JUDO FAST FOOD
Ah, enseigner le judo, c’est tout un défi aujourd’hui, surtout avec l’évolution de la discipline ces 10 dernières années.
Je vais être cash, article écrit par ERIC BOCKTAEL 5ème dan de judo avec l’aide de ma nouvelle secrétaire Chatgpt 3 (intelligence artificielle)
Trop de sport, pas assez de budo :
Le judo moderne a largement glissé vers le sport compétitif, au détriment de l’art martial. Les principes fondamentaux du seiryoku zenyo (optimisation de l’énergie) et du jita kyoei (entraide et prospérité mutuelle) se perdent peu à peu. La quête des résultats en compétition, des podiums, des ceintures et des grades a pris le dessus, au point que certains enseignants sacrifient les bases traditionnelles du judo. Ils privilégient des techniques spécifiques aux compétitions, négligeant celles qui incarnent véritablement l’esprit du judo.
La sécurité au détriment de la fluidité :
Bien sûr, la sécurité est essentielle. Mais elle est devenue tellement excessive que les pratiquants perdent leur créativité. Certains clubs limitent fortement les techniques enseignées, notamment les techniques plus risquées comme les sutemi (techniques de sacrifice), par crainte des blessures et des responsabilités légales. Résultat : les élèves ne développent plus leur capacité à s’adapter et improviser. On forme des judokas qui maîtrisent une mécanique technique rigide, sans la fluidité ou l’intelligence d’adaptation nécessaire pour être complet.
Le judo pour tous, mais à quel prix ?
La fédération prône un « judo pour tous », ce qui est louable. Mais dans les faits, cela a mené à la création de cours de baby-judo qui s’apparentent à de la garderie (des Baby-sister en Kimono). On voit des enfants de 2 ans et demi en judogi avec des ceintures blanches-jaunes, certes, c’est mignon, mais on enseigne souvent des versions ultra simplifiées du judo pour maintenir l’intérêt des parents. À long terme, cela cause des lacunes techniques chez ces jeunes, qui grandissent avec une pratique diluée (quant il reste dans le club), loin des vraies exigences du judo.
Le système de grades devenu une machine à fric :
Les passages de grades en interne sont de plus en plus critiqués. Certains enseignants « préparent » leurs élèves seulement pour accumuler des points et des victoires en compétition, au lieu de leur enseigner une véritable maîtrise du judo. On assiste à des ceintures vertes, bleues à l’age de 7 et 8 ans obtenues sans réelle réflexion sur les aspects mentaux et philosophiques de la discipline. Ce système se concentre trop sur la quantité et les performances chiffrées, plutôt que sur la qualité et la profondeur des connaissances.
Le néo-judo et l’influence des autres sports de combat :
Ces dernières années, le phénomène du « cross-training » a pris de l’ampleur. De nombreux judokas s’entraînent en parallèle au jiu-jitsu brésilien, au MMA ou au sambo. Cela leur offre une perspective plus large, mais cette pratique dilue souvent le judo. Certains enseignants adaptent même leur approche pour satisfaire cette demande d’ »efficacité » à travers les disciplines, au risque de dérouter les puristes. Le travail au sol (ne-waza) connaît un regain d’intérêt, mais parfois au détriment du travail en profondeur des techniques debout (tachi-waza).
Le numérique et l’enseignement à distance :
Avec la pandémie, le judo a pris un tournant vers le numérique. Les enseignants se sont mis à faire du judo en visioconférence, ce qui semblait surréaliste. Aujourd’hui, il y a une explosion de ressources pédagogiques en ligne : vidéos, webinaires, etc. Cela a démocratisé l’accès à l’enseignement du judo, mais on peut se demander si cela ne dénature pas l’essence même de la discipline. Le judo, c’est avant tout une expérience physique, une transmission par le contact. L’enseignement purement théorique est une illusion de progression sans pratique réelle.
Le manque de renouvellement des enseignants :
Un problème majeur est le vieillissement des enseignants et le manque de jeunes profs formés et motivés pour prendre la relève. Beaucoup d’anciens continuent d’enseigner, mais la transmission des valeurs et de la pédagogie ne se fait pas correctement. Les jeunes enseignants se contentent souvent de répéter ce qu’ils ont appris, sans réflexion personnelle ni innovation. Cela freine l’évolution du judo et le maintient dans une forme figée.
L’individualisation de la pratique :
L’individualisme prend de plus en plus de place dans le judo, surtout chez les plus jeunes pratiquants. Beaucoup viennent pour un développement personnel, sans réelle adhésion à l’esprit de groupe. Ils cherchent à optimiser leur parcours individuel à travers des coachings privés ou des stages personnalisés. Cela force certains enseignants à réadapter leur pédagogie, mais souvent au détriment de la cohésion collective et des valeurs fondamentales du judo.
La prolifération des dojos : Plus de clubs, mais pour qui et pourquoi ?
Un autre phénomène marquant est l’ouverture de nombreux nouveaux dojos un peu partout. Cela peut sembler positif à première vue, mais cette multiplication n’est pas toujours synonyme de qualité. Beaucoup de ces clubs sont créés par des enseignants qui, malgré leur diplôme, manquent d’une réelle maîtrise ou d’une compréhension profonde du judo. Leur objectif ? Attirer un maximum de pratiquants, souvent avec une approche simplifiée qui met l’accent sur la quantité plutôt que sur la qualité.
Ces dojos deviennent des « produits de consommation », vendant un judo facile d’accès, souvent dénaturé de ses valeurs martiales. Ils séduisent des débutants ou des adultes cherchant une activité sportive légère, sans réel engagement dans la pratique profonde du judo. On forme des judokas qui pensent avoir acquis des compétences, mais qui en réalité n’ont qu’une compréhension superficielle de la discipline.
Il existe même des dojos qui se transforment en véritables franchises, faisant du judo une marque, un produit commercial. À force de vouloir plaire à tout le monde, ces clubs proposent une version « judo fast-food« , où la profondeur, la maîtrise et les valeurs sont sacrifiées au profit de la rentabilité. Certes, il y a plus de dojos, mais moins de véritables lieux de transmission du budo.
En résumé, enseigner le judo aujourd’hui, c’est se confronter à des tendances qui déforment et diluent cette discipline. Le « judo Fast food », orienté vers la performance ou l’accessibilité à court terme, prend le dessus, au détriment de l’authenticité et de la transmission profonde des valeurs martiales. La vraie question est : est-ce qu’on enseigne encore du judo-judo, ou un produit dérivé formaté pour plaire au plus grand nombre ?